Publié le 7 Décembre 2023

Grâce au découpage en trois histoires indépendantes de ces épisodes spéciaux qui célèbrent les soixante ans de « Doctor Who », Russell T Davies nous offre un épisode intrigant et intense, qui repose tout entier sur les épaules de David Tennant et Catherine Tate, qui sont quasiment les seuls comédiens à apparaître à l’écran.

DOCTOR WHO - 60th Special 2 – Wild Blue Yonder
La meilleure célébration

« Wild Blue Yonder » tire parti du contexte dans lequel ces spéciaux d’anniversaire ont été conçus. Il y a dix ans, pour le cinquantenaire, il n’y avait plus eu d’aventures multi-Docteurs depuis « The Two Doctors » qui, en 1985, réunissait le sixième et le deuxième Docteur. Ce serial en trois parties suivait de peu « The Five Doctors », qui marquait les 20 ans de la série en 1983.
La formule semblait donc un passage obligé en 2013, dont Steven Moffat s’est brillamment tiré, en mettant en avant le lore de la Time War. Cette Guerre du Temps, qui a vu s’affronter les Time Lords et les Daleks, entraînant leur destruction mutuelle, est une idée de génie de Russell T Davies au moment de relancer la série, qui permettait de se débarrasser en beauté d’une continuité lourde et parfois embarrassante. (Le seul inconvénient de l’intrigue concoctée par Steven Moffat pour le Special des cinquante ans est qu’elle pavait la voie à un retour de Gallifrey et des Time Lords, qu’il fut nécessaire d’éliminer une deuxième fois quelques années plus tard.) 
« The Day of the Doctor » avait réuni Matt Smith et David Tennant avec un Docteur surprise incarné par John Hurt, qui venait compenser le refus de Christopher Eccleston de revenir sur le plateau de tournage de la série.

(Le tournage de la première saison, en 2004/2005, a été particulièrement compliqué. À cette époque, la télévision britannique n’avait pratiquement plus rien produit dans le genre de la science-fiction depuis une quinzaine d’années, encore moins à cette échelle. Face aux contraintes posées par les nombreuses séquences d’action et d’effets spéciaux, le tournage se révélait beaucoup plus lent qu’anticipé. Après la première semaine d’un bloc de tournage particulièrement compliqué, réunissant « Rose » et l’épisode en deux parties « Aliens of London » et « World War Three », l’équipe se retrouvait avec un retard énorme qui menaçait gravement l’ambition de la série. Dans ce contexte, les tensions étaient fortes, les nerfs fragiles. Cette ambiance très tendue a rendu pour Eccleston l’expérience de tournage difficile, et a rompu son lien de confiance avec les producteurs de la série, dont Eccleston estime qu’ils se sont mal comportés avec les équipes.)

Depuis ce spécial des cinquante ans, deux autres aventures multi-Docteurs ont été produite : « Twice Upon a Time », le dernier épisode de Peter Capaldi, dans lequel il est réuni avec le premier Docteur, et l’épisode final de Jodie Whittaker, « The Power of the Docteur », diffusé il y a un an, au moment du centenaire de la BBC. Plaisant à regarder, « The Power of the Doctor » incarnait aussi les travers de ce type de proposition, en s’avérant une sorte de best-of surchargé et un peu vain, dans lequel les cadeaux fait aux fans sont clairement au détriment du plaisir que peut prendre un spectateur ordinaire. 
Cela ne faisait pas vraiment sens de diffuser deux fois la même chose à la suite, surtout que Whittaker n’allait pas revenir immédiatement après son départ et que Peter Capaldi n’est pas intéressé à l’idée de revenir pour un épisode multi-Docteurs. Reformer l’équipe Tennant – Smith n’aurait fait que renforcer le sentiment de réchauffé.

Néanmoins, Russell T Davies a confié qu’il a été tenté, pendant l’écriture de « Wild Blue Yonder », de finalement inclure une référence au passé de la série. Le premier Docteur pourrait-il se trouver dans le poste de pilotage ? Peter Capaldi se cacher dans un placard du vaisseau ? Il en est finalement resté à son concept d’origine : le 14ème Docteur et Donna seuls à bord d’un vaisseau, et c’est heureux. La simplicité et la clarté de cette proposition permet à l’épisode de développer une ambiance qui lui est propre, vraiment excitante, et de passer un peu de temps avec les personnages du Docteur et de Donna.

La mavité de la situation

Le Tardis, en déroute après un accident de café, amène le Docteur et Donna sur un vaisseau qui, après être passé par un trou noir, dérive aux confins de l’Univers, dans une sorte de néant absolu où la lumière des étoiles n’est pas encore parvenue. Le décor principal de l’épisode est un gigantesque couloir central, qui est essentiellement virtuel (seuls le sol et les deux hexagones présents sur les murs que le Docteur et Donna touchent existaient physiquement). Ce n’est pas le premier décor virtuel de la série, mais désormais, il est possible pour le réalisateur de prévisualiser le résultat final directement sur les moniteurs du plateau, pendant le tournage des scènes, ce qui facilite le casse-tête des longs tournages sur fond vert, qui font vite perdre tout sens de la spatialité et n’aident pas à positionner clairement les caméras. Pour un aperçu des réalités pratique de ce tournage, le réalisateur de l’épisode Tom Kingsley a publié sur X (anciennement Twitter) un thread bourré d’images des coulisses.

Initialement, le Docteur et Donna semblent être seuls sur le vaisseau, mais ils rencontrent bientôt deux doubles, deux non-entités issues du néant, qui recopient leur apparence, bien qu’ayant du mal à maîtriser les réalités d’une apparence physique, notamment en ce qui concerne la forme et les dimensions. La première apparition des doubles est assez formidable, le spectateur étant amené à penser qu’un déplacement des personnages a été ellipsé avant que l’entrecroisement des scènes, en parallèle du tour de plus en plus bizarre que prennent les conversations, ne dévoilent la supercherie. 

« Wild Blue Yonder » parvient à développer une atmosphère véritablement angoissante, en jouant sur une tension sourde et sur la subjectivité du point de vue de la caméra. La musique de Murray Gold participe brillement de cette ambiance étrange et stressante. Elle n’est pas sans évoquer la bande originale de « Sunshine », issue de la collaboration entre le groupe électro Underworld et John Murphy, un des scores ayant la plus grande influence de ces dernières décennies.

L’épisode culmine dans un climax très réussi dans laquelle la vraie Donna se retrouve abandonnée sur le vaisseau sur le point de s’autodétruire, avant que le Docteur ne se rende compte de son erreur et ne vienne la sauver à la dernière minute, révélant au passage un mouvement de passerelle capable d’éjecter un passager, un élément d’un nouveau décor du centre de contrôle du Tardis qui semble plein de ressource.

DOCTOR WHO - 60th Special 2 – Wild Blue Yonder
The Flux

Le temps passé avec les personnages permet à Russell T Davies de faire le point. En particulier, on découvre que le Docteur est toujours affecté par les événements de the Flux, au cours desquels la moitié de l’Univers a été détruit. Surtout, fan parmi les fans, Davies sait la controverse qu’a généré la storyline du Timeless Child. Il y fait ouvertement référence, confirmant que le Docteur ne vient pas de Gallifrey, ancrant ce rebondissement de l’ère précédente dans la continuité de la série. Concernant la continuité, on notera la scène où le Docteur s’inquiète de son bluff sur la ligne de sel. Aux confins de l’univers, la où les murs sont fins, il craint que cet acte ne puisse avoir des conséquences inattendues... ce qui suggère qu’il en aura probablement dans un futur épisode.

De son coté, Donna pense à sa famille, à la manière dont sa mère, son mari, sa fille réagiront si elle devait disparaître à jamais, imaginant que son grand-père Wilf sera probablement installé en permanence dans l’allée où le Tardis a disparu, attendant avec un Thermos le retour de sa petite fille.
Et c’est exactement là qu’on retrouve le personnage, dans un moment où le bonheur des personnages, des comédiens et des spectateurs se confond. Bernard Cribbins fait là son émouvante ultime apparition à l’écran, filmée quelques semaines avant sa mort à 93 ans. Il était prévu qu’il film d’autre séquences pour le troisième épisode spécial, mais sa santé ne l’a pas permis. « Wild Blue Yonder » est dédié à sa mémoire. 

DOCTOR WHO - 60th Special 2 – Wild Blue Yonder

Doctor Who : Wild Blue Yonder
Écrit par Russell T Davies
Réalisé par Tom Kingsley

❤️❤️❤️❤️🤍

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Publié le 2 Décembre 2023

Ils sont de re(parfois re-re)tour ! Devant la caméra, David Tennant reprend le rôle du Docteur, et Catherine Tate celui de Donna Noble. Derrière, le scénariste et showrunner Russell T Davies mène le rassemblement de l’équipe qui a relancé « Doctor Who » en 2005, et transformé la série culte britannique en phénomène mondial : les producteurs exécutifs Julie Gardner, Jane Tranter et Phil Collinson, ainsi que le compositeur Murray Gold (qui a signé la musique de pratiquement tout ce qu’a écrit Davies depuis « Queer as Folk » en 1999).

DOCTOR WHO - 60th Special 1 – The Star Beast

L’histoire est connue. En 2020, pendant les confinements qui ont marqué les premiers mois de la pandémie de Covid 19, Emilie Cook de Doctor Who Magazine organise des live-tweets d’épisodes de la série, auxquels participent des membres des équipes artistiques ayant participé à la création des épisodes sélectionnés. C’est ainsi que David Tennant, Russell T Davies et Catherine Tate se retrouvent à commenter « The Runaway Bride », le premier épisode dans lequel apparaît Donna. 
En plus de cet épisode spécial de Noël, le duo iconique formé par le Docteur et Donna n’est apparu que dans une seule saison, la quatrième (dernière saison complète de l’ère RTD 1). Le tweetalong éveille la nostalgie des participants. ‘‘Ne serait-il pas génial de remettre ça ?’’ se lancent Tate et Davies. Loin d’en rester aux paroles en l’air, Catherine Tate contacte David Tennant, et constate qu’il est sérieusement partant à l’idée de repartir pour un (petit) tour. L’engrenage vient de s’enclencher...

Russell T Davies contacte Piers Wenger, patron de la fiction de la BBC, et lui-même ancien producteur exécutif de « Doctor Who » (au début de la période Matt Smith / Steven Moffat). Dans l’esprit du scénariste, il y a l’idée d’un épisode spécial qui pourrait peut-être s’insérer dans les festivités du soixantième anniversaire de la série. Le mail de Russell T Davies tombe à pic : Wenger sait que Chris Chibnall a l’intention de rendre son poste de showrunner l’année précédent ces festivités, à l’issue de sa troisième saison à la tête du programme. La BBC a besoin d’un nouveau showrunner, et plus que ça, elle a besoin de relancer une franchise lucrative, mais en perte de vitesse. 
C’est ainsi que Russell T Davies est redevenu showrunner pour les années à venir, qui seront une coproduction entre la BBC et Bad Wolf, la société de Jane Tranter et Julie Gardner, avec la plateforme Disney+, diffuseur global de ces nouveaux épisodes en dehors du Royaume-Uni. 

 

Nostalgie et résolutions

Cette nouvelle ère sera véritablement lancée avec l’arrivée de Ncuti Gatwa dans le rôle du Docteur, dans le cadre d’un épisode spécial de Noël diffusé le 25 décembre, prélude à une saison complète prévue pour le printemps 2024. Mais avant, place à un coda nostalgique qui trouve ses racines dans les derniers épisodes supervisés par Russell T Davies en 2008 et 2009.

Le premier de ces épisodes spéciaux conçus pour célébrer le soixantième anniversaire de la série (une sorte de mini-saison composée de trois aventures indépendantes) est une adaptation de « Doctor Who and the Star Beast » une bande-dessinée publiée en 1980 dans les pages de Doctor Who Weekly (ancêtre de l’actuel Doctor Who Magazine) qui mettait en scène le Docteur version Tom Baker. 
On peut y voir le premier signe d’une volonté manifeste de rassembler les différents recoins du Whoniverse en une franchise globale multimédia. D’ailleurs, la première aventure officielle du quatorzième Docteur, qui reprend les traits de David Tennant, a elle-même été publiée dans les pages de Doctor Who Magazine, en douze épisodes qui ont occupé toute cette année sans nouveaux épisodes de la série (ce qui ne devrait plus se produire avant longtemps. (Cette aventure, « Liberation of the Dalek », qui commence au moment de la régénération et se termine juste avant que le Tardis ne se crashe sur Skaro pour le mini-épisode du programme de charité Children in Need, a été rassemblée dans un livre paru le jour du soixantième anniversaire.)

Mais peut-être faut-il aussi y voir le signe de la difficulté qui représente ce retour (et qui explique certainement pourquoi l’épisode spécial initialement envisagé s’est transformé en trois aventures différentes). D’abord, il y a le fait qu’un épisode montrant le Docteur et Donna se retrouver, semble-t-il par hasard, en réalité réunis par des forces mystérieuses, existe déjà. C’était « Partners in Crime », premier épisode de la saison 4, formidable et inoubliable.
Ensuite, il y a la situation dans laquelle on avait laissé Donna : sa mémoire effacée, une terrible menace planant sur elle : elle est condamnée à une mort certaine si elle se souvient du Docteur. Russell T Davies doit se dépêtrer de cette situation, par un moyen qui n’existait pas au moment de « Journey’s End » (4x13). Par chance, il avait montré Donna enceinte lors de son ultime apparition dans « The End of Time, part 2 ».
Pour finir, tout cela est très dépendant d’éléments de continuité d’épisodes dont la première diffusion remonte à quinze ans. Certes, « Doctor Who » est continuellement rediffusé, et disponible sur plusieurs plateformes (dont le iPlayer de la BBC, qui propose désormais en ligne la quasi-intégralité des épisodes et spin-off produits depuis 1963), mais c’est néanmoins beaucoup demander à un nouveau public. L’épisode s’en montre visiblement inquiet, en dépit du fait qu’une grosse partie de la promotion avant la diffusion a déjà été passée à rappeler là où la série avait laissé Donna. On aurait certainement pu faire l’économie de l’étrange et assez disgracieux récap pré-générique, dans lequel on ne sait pas d’ailleurs très bien si ce sont les personnages ou les acteurs qui nous parlent, d’autant que toutes les informations qu’il donne sont répétées un peu plus loin dans l’épisode. C’est peut-être le signe d’une petite nervosité du côté de Disney+, qui d’ailleurs ne relancera véritablement la série avec une grosse campagne promo que pour les épisodes de Ncuti Gatwa.

DOCTOR WHO - 60th Special 1 – The Star Beast

« The Star Beast », le comic comme l’épisode, part d’un postulat à la « ET, l’Extraterrestre » (la bande-dessinée a pourtant été publiée deux ans avant la sortie du film de Spielberg), qu’il renverse à mi-parcours. Russell T Davies n’a jamais été particulièrement à l’aise avec l’écriture des mystères à retournement, et il ne traite jamais vraiment sérieusement le postulat de départ, celui d’un mignon extraterrestre qu’une ado essaye d’aider à rentrer à la maison. Si bien qu’on voit venir le twist à des kilomètres (personnellement, dès le début de la promo l’été dernier). 

[Edit du 6 décembre.] Dans le podast Doctor Who officiel, Russell T Davies confie que dans sa première version du scénario, il était révélé bien plus rapidement que le Meep était un méchant : dès la scène où Rose s'occupe de lui dans le cabanon. Avec une volonté d'effet comique, le Meep aurait anoncé dès que Rose avait le dos tourné qu'il avait l'intention de l'éliminer, tout en reprenant sa posture de victime aussitôt qu'elle se retournait vers lui. L'idée de reporter cette révélation est venue des notes des producteurs, mais Russell T Davies avoue n'être toujours pas certain que cette version est meilleure. Elle aurait pu l'être si cette idée avait été poussée au bout. Mais en l'état, nous sommes dans un entre-deux qui n'est ni vraiment l'un, ni vraiment l'autre, ce qui tranche avec la confiance absolue qui émane habituellement des scénarios de Russell T Davies.

Reste le spectacle d’un épisode qui illustre le progrès des technologies intervenu ces quinze dernières années, ainsi que l’augmentation du budget permise par le partenariat avec Disney+. À l’écran, le Meep est une créature qui allie différentes technologies : un costume bourré d’animatroniques, réhaussé d’interventions numériques (pour le mouvement de la bouche, des yeux, ainsi que des détails de la fourrure et de la peau des oreilles), mais aussi une doublure entièrement en images de synthèse pour les séquences ou l’extraterrestre se déplace rapidement. Le résultat est bluffant et le mariage des différentes techniques invisible. On est bien loin du temps où les costumes de Slitheen avaient l’air de créatures complètement différentes des Slitheen numériques (dans « Aliens of London » et « World War Three », 1x04/05, 2005).

Retrouver sa famille

Le cœur émotionnel de l’épisode fonctionne quant à lui parfaitement, porté par la performance des acteurs phénoménaux que sont David Tennant et, particulièrement dans cet épisode, Catherine Tate. Le spleen de Donna, qui sent profondément qu’il lui manque quelque chose, alors qu’elle a sur le papier tout pour être heureuse, est déchirant. Russell T Davies sait mieux que personne tisser la science-fiction avec le drama intime et familial, et on prend un plaisir infini à retrouver cet aspect de la série, globalement laissé de côté depuis 2010.
Les créatures aliens parfaitement réalisées de « The Star Beast » côtoient ainsi avec grâce une petite scène merveilleuse dans laquelle une grand-mère confie se sentir maladroite quand il faut trouver les mots pour complimenter sa petite-fille trans. 

(Et l’on se contentera de bailler démonstrativement devant les articles aussi attendus que paresseux sur un soi-disant Doctor Woke, comme si la série n’avait pas déjà mis en avant un voyageur temporel pansexuel en la personne du Captain Jack, et ce dès 2005. La nostalgie de ce spectateur, elle est aussi pour ce qu’était l’état de la conversation mondiale il y a quinze ans, face au gloubi-boulga des paniques morales ridicules d’aujourd’hui.)

Maintenant qu’il est débarrassé des impératifs des retrouvailles et des problèmes de continuité, on est particulièrement impatients de découvrir ce que Russell T Davies nous a concocté pour les deux prochains épisodes spéciaux. Le deuxième « Wild Blue Yonder », est nimbé de mystère puisque la promotion des trois épisodes spéciaux n’en a pratiquement rien montré. Si « The Star Beast » était présenté d’emblée comme une classique aventure familiale Spielbergo-Disneyenne, ce deuxième épisode est annoncé comme un segment innovant et quasi-expérimental. 

Doctor Who : The Star Beast
Écrit par Russell T Davies, d'après une histoire de Pat Mills et Dave Gibbons
Réalisé par Rachel Talalay

❤️❤️❤️🤍🤍

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Publié le 13 Avril 2008

L’incarnation moderne de « Doctor Who » revient pour une quatrième saison, et avec elle le personnage de Donna Noble, la Runaway Bride du special de Noël de 2006...

 

Ce texte a été originellement publié sur le site du webzine Le Village le 14 avril 2008.

DOCTOR WHO - 4x01 : Partners in Crime

Il est pour le moins rare que Le Village critique une série épisode par épisode, et il y a plusieurs raisons à cela. Nous aimons assez aborder une saison dans son intégralité. Nous apprécions aussi de revenir à froid sur une œuvre, plutôt que d’être systématiquement dans la course à l’actualité qui efface toujours l’autre. Et nous nous retrouvons aussi confrontés aux habitudes françaises de diffusion par groupe de deux ou trois épisodes, qui peuvent pousser n’importe quel auteur de reviews au surmenage.
Si nous avons toujours tenu «
Doctor Who », et particulièrement son incarnation moderne sous la houlette de Russell T Davies, en haute estime, l’excellence particulière des deux premiers épisodes de cette quatrième saison nous a cependant convaincu que c’était probablement le moment ou jamais.

 

Partners in crime

Scénario : Russell T Davies ; réalisation : James Strong.

A l’issue de l’épisode spécial de Noël de 2006, Donna Noble, anglaise aux pieds fermement ancrés sur Terre qui venait de vivre une extraordinaire aventure, avait décliné la proposition du Docteur de la rejoindre dans ses voyages à travers le temps et l’espace. Il s’avère que, depuis, elle regrette cette décision, et s’est mise à traquer les histoires étranges dans l’espoir de le retrouver. Mais mettre la main sur quelqu’un qui peut se trouver n’importe où dans le temps et l’espace n’est pas si facile et, plus d’un an plus tard, Donna est partagée entre détermination et découragement.
De son coté, le Docteur est tout aussi seul depuis que Martha a préféré retourner à sa vie et grandir loin du Docteur et de l’amour sans retour qu’elle a éprouvé pour lui.
Aujourd’hui, à Londres, Donna et le Docteur enquêtent tout les deux sur Adipose Industries, qui vient de mettre sur le marché une nouvelle pilule de régime révolutionnaire. Pour autant, se rencontrer ne sera pas si simple, et ensuite il faudra encore affronter Miss Foster, une Super Nanny galactique venue veiller sur les milliers de créatures aliens créées à partir de la graisse des usagers de son extraordinaire pilule...

 

Noble return

Au cours des vingt premières minutes de l’épisode, on suit les investigations de Donna et du Docteur en parallèle, tandis qu’ils passent plusieurs fois à deux doigts de se croiser. Dans un premier temps, l’effet comique est immédiat, appuyé par quelques séquences dont le timing comique a du être un petit casse-tête et une musique aussi enjouée que réjouissante. Et s’il passe bien quelques secondes à parler tout seul dans le Tardis, cet épisode est sans doute celui, « Love & Monsters » et « Blink » mis à part, où David Tennant a eu le moins de répliques à apprendre. Au final, ces croisements débouchent sur une scène de retrouvailles visuelle à mourir de rire, dans laquelle Catherine Tate se voit obligée de mimer une demi-page de dialogues, ce dans quoi elle excelle. Le « Doctor Who Confidential » de la semaine, making of hebdomadaire diffusé immédiatement après l’épisode sur une chaîne du réseau BBC, vaut le coup ne serait-ce que pour voir la lecture initiale et le tournage de cette scène, et ce qu’elle doit à Catherine Tate elle-même.

Dans la lignée de son premier épisode, Donna apporte à la série l’avantage d’une dynamique dans laquelle le compagnon du Docteur est beaucoup moins dans une situation d’admiration passive vis-à-vis du Seigneur du Temps. C’est une femme de ressource, qui a collecté ses propres éléments au fil de son enquête sur Adipose, ce qui amène la moitié de la résolution de l’épisode (dans ce qui constitue sans doute une petite facilité, mais reste symboliquement très riche). C’est aussi quelqu’un qui a du répondant, et ne se laisse pas marcher sur les pieds, par qui que ce soit, quitte à partir au quart de tour (‘‘You want to mate ?!’’). Surtout, c’est quelqu’un qui n’est pas amoureuse du Docteur et ne semble pas prête à développer ce type de sentiment envers lui. Ce qui, évidemment, encourage tout un chacun à croire à tord qu’ils sont ensemble. Donna est une femme qui, regardant en arrière vers la première moitié de sa vie, a des raisons d’être déçue et d’avoir le sentiment d’être coincée dans une impasse. Quelques aventures à bord du Tardis représentent l’opportunité de rebondir.

On retrouve à cette occasion la mère de Donna, déjà vue dans « The Runaway Bride ». Une mère chez qui Donna a du revenir emménager, ce qui serait dur pour tout le monde mais relève de l’horreur compte-tenu de la mère en question. L’acteur qui jouait le père de Donna étant décédé pendant le tournage de cette saison des suites d’une maladie (il a tourné plusieurs scènes avant que chacun réalise que sa santé devenait trop préoccupante) la fonction que son personnage devait jouer est transférée au grand-père de Donna.

 

Arc

Car un certain nombre d’éléments nous incitent vite à penser que derrière les multiples rencontres ratées d’un cheveu de cet épisode se cache plus qu’un très bon gag. En effet, on apprend parallèlement que le vieux vendeur de journaux vu à Noël dernier, où il avait rencontré le Docteur et Kylie dans un Londres déserté, n’est autre que le grand-père de Donna, qui vit avec elle et sa mère. Un personnage un peu fantasque mais charmant, qui passe son temps à regarder les étoiles dans l’espoir d’y croiser un OVNI, mais qui a la fâcheuse tendance de braquer son télescope du mauvais coté (encore !). Enfin, il y a la surprise finale de l’épisode, c’est-à-dire la scène dans laquelle Donna rencontre Rose, sans bien sûr qu’aucune d’elles ne se doute de qui est l’autre. Tout comme Donna, Rose cherche le Docteur, et tout comme elle, elle l’a manqué de peu. Rose s’éloigne et disparaît littéralement, ce qui suggère que son point d’ancrage est toujours le monde parallèle dans lequel nous l’avons laissée. Le retour du thème de « Doomsday » fait d’ailleurs merveille ici.

Tout cela cache sans aucun doute quelque chose, et il y a fort à parier que cette thématique sera de retour plus tard cette saison : la comédie franche de « Partners in Crime » dissimulait donc probablement l’épisode d’introduction d’une saison le plus mythologique depuis le début de la série. Lorsqu’elle découvre sa voiture garée à quelques mètres du Tardis, Donna s’exclame : ‘‘c’est le Destin !’’. L’Univers de Who étant ce qu’il est, il reste à découvrir quel est le dessein du destin, ou peut-être qui se cache derrière lui...

DOCTOR WHO - 4x01 : Partners in Crime
Guilty and not so guilty pleasures

La pop-culture comme motif constant de l’écriture de Russell T Davies revient dans cet épisode par le biais du personnage de Miss Foster, dérivé de l’effrayante nounou de « Super Nany », un format de coaching TV décliné en France sur M6. Cette référence aurait d’ailleurs sans doute gagnée à ne pas être exprimée dans les dialogues, puisqu’elle était suffisamment transparente et que cela la rend un petit peu over the top.
L’originalité et l’intérêt de cet épisode résident aussi dans le fait que la menace est bien moins dramatique qu’à l’accoutumée, puisque tout ce que ces aliens veulent nous voler, ce sont quelques kilos de graisse que les personnes concernées sont plutôt heureux de leur laisser. Les Adiposes, petits monstres enfantins de la semaine sont eux-mêmes de petites mignonnes créatures dont le design est particulièrement réussi (alors qu’à quelques reprises, leur intégration dans l’environnement laisse pour le moins à désirer).

Tout cela contribue à faire de « Partners in Crime » une reprise joyeuse et entraînante qui constitue un point de départ réjouissant à une saison qui promet de lever encore plus haut la barre qualitative de la série.

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Publié le 28 Janvier 2008

Difficile de succéder à une première saison brillante. « Doctor Who » relève le défi en centrant sa thématique sur le sort des Compagons essaimés à travers le temps et l’espace par le Docteur.

 

Ce texte a été originellement publié sur le site du webzine Le Village le 28 janvier 2008.

DOCTOR WHO - Saison 2 (2006) - L’indélébile empreinte du Docteur
‘‘Living a life day after day. The one adventure I can never have.’’

A priori, on pourrait se dire qu’en réinventant avec un immense succès à la fois public et critique un mythe national tel que « Doctor Who » l’est en Angleterre, on a relevé le plus difficile. C’est pourtant inexact : il reste encore à affronter les attentes démentes que chacun sera prompt à poser sur la seconde fournée d’épisodes, et à ne pas les décevoir. Si vous devez négocier au passage un changement d’acteur principal, il y a de quoi passer quelques nuits blanches.

Un nouveau Docteur

Le seconde saison de « Doctor Who » commence avec l’expansion de la série au-delà de sa livraison annuelle de 13 épisodes. La BBC commanda en effet un épisode spécial à diffuser pendant les Fêtes de fin d’année (en l’occurrence le jour de Noël) – il s’agit là d’une tradition de diffusion pour laquelle son succès faisait du nouveau « Doctor Who » un candidat logique. L’épisode fait la liaison entre les deux saisons régulières de la série. Mais, en outre, la chaîne commanda également un module court pour son téléthon local programmé début décembre « Children in need », module qui fait donc lui-même la liaison entre la fin de la première saison et le Christmas special.

« The Christmas Invasion », tout special qu’il soit, doit forcément, compte-tenu des circonstances, assumer une place cruciale dans la continuité du show. A la toute fin de la première saison, le Docteur s’était en effet mis en situation de danger mortel. Une régénération le conduit à se transformer totalement, Christopher Eccleston cédant la place à un autre acteur fétiche de Russell T Davies : David Tennant. Si l’essence du personnage reste la même, chaque réincarnation du Docteur provoque une certaine altération de sa personnalité. Le changement apporté par Tennant est logique vis à vis de l’évolution suivie par le Docteur lors de la première saison, un arc au cours duquel le personnage avait graduellement accepté – fait son deuil – les conséquences de la Guerre du Temps et de son nouveau statut de voyageur solitaire, dernier survivant de sa race. Le Docteur de Tennant est donc plus enjoué, plus visiblement positif voire, parfois, porteur de quelque chose d’enfantin. A son contact, l’innocence de la toute jeune Rose se réveille. Ensemble, ils composent un duo sautillant, rigolard, en état d’émerveillement constant, dont l’enthousiasme est communicatif le plus souvent, irritant dans son systématisme parfois, parce qu’un peu excluant. Pour autant, et c’est là que Tennant se montre un choix formidable, la noirceur du personnage ne se trouve que légèrement dissimulée sous la surface, capable de ressurgir de manière effrayante aussitôt que le Docteur se trouve poussé dans ses retranchements.

Pour revenir au spécial de Noël, Russell T Davies décide de donner de l’importance à la régénération du Docteur en le mettant hors-jeu pendant l’essentiel de l’épisode, son corps s’ajustant à la transformation radicale qu’il vient de subir. Rose, sa mère et Mickey se voient donc contraints de tenter de contenir par eux-mêmes l’invasion extraterrestre du jour par eux-mêmes. On ne le comprendra que bien plus tard, mais cette intrigue est en fait centrée sur la thématique qui sera celle de toute la seconde saison : les conséquences de l’absence.
En effet, Russell T Davies renouvelle ici la construction si réussie qui avait marqué la première saison : les 14 épisodes, en comptant celui de Noël, alignent une collection d’histoires on ne peut plus différentes les unes des autres. L’ensemble paraît presque décousu, jusqu’à ce que les tous derniers épisodes de la saison mettent en lumière la cohérence thématique et narrative qui constitue la colonne vertébrale de la saison et lui confère une véritable unité.

Le premier épisode régulier de la seconde saison se propose de nous emmener dans un très loin futur, vers New Earth et New New York, Cité qu’on ne fera qu’entrevoir de l’autre coté d’un bras de mer, les contraintes d’un budget télé étant ce qu’elles sont. Ceci dit, la série progresse visuellement très fortement cette saison, surtout si l’on compare avec les premiers épisodes de la saison 1. Si l’esprit parodique, et donc ses monstres caoutchouteux et visuels délirants, constituent toujours une signature forte de la série, la réalisation de la série n’a plus de faiblesse, et certains effets numériques s’imposent par leur très grande qualité. L’intrigue au cœur de l’épisode, qui pointe une dérive hygiéniste à deux vitesses, où la pureté sanitaire des uns n’existe que du fait du rassemblement chez les autres de toutes les maladies du monde, se résout par le biais d’un happy end en forme de gigantesque deus ex machina absolument dénoué de sens. Mais, en contrepartie, l’intrigue émotionnelle se termine sur une note bien plus amère. Celle-ci marque le retour d’un personnage de la première saison, Cassandra, la « dernière humaine », en fait seulement la dernière humaine « pure », qui a refusé les mixages et l’hybridation, et prolongé indéfiniment sa vie au prix de multiples interventions chirurgicales qui l’ont conduite à ressembler à une peau de bête sur un portant à roulette, avec le cerveau dans un bocal. S’éloignant du trait forcé de la caricature qui avait caractérisé le personnage dans la première saison, Russel T. Davies pousse le personnage a s’accepter comme une chimère, et à enfin accepter sa mortalité, après s’être une dernière fois vue au sommet de sa beauté. Une conclusion émouvante et où la science fiction remplit parfaitement son rôle, celle de caisse de résonnance de nos réalités contemporaines.

Dans la plus pure tradition du contraste absolu qui sied si bien à la série, le second épisode, « Tooth and Claw » nous amène en 1879 à la rencontre de la Reine Victoria, que le Docteur devra bientôt protéger (quoiqu’elle ne se débrouille pas mal elle-même) d’un loup-garou extraterrestre. L’épisode est solide et excelle comme toujours dans le domaine de la reconstitution d’époque. Il introduit le fil rouge narratif de la saison (par opposition au fil rouge thématique et émotionnel esquissé plus haut) : puisque Victoria, bien que sauvée par le Docteur, n’est pas spécialement rassuré par sa nature extraterrestre et sa présence sur Terre. Elle décide donc de créer un institut chargé de monitorer ce type d’activité et de construire des moyens de défense : Torchwood. Sachant que la nouvelle de la création d’une série dérivée sous ce titre et mettant en vedette le personnage de Jack Harkness était apparue à l’époque, la saison prend parfois des airs de gigantesque bande-annonce pas toujours des plus subtiles.
« School Reunion » rejoue un peu le principe du season premiere, en l’accentuant encore : l’intrigue abordée est plutôt classique, mais le cœur de l’épisode est en fait un parcours émotionnel, lié étroitement aux personnages.

Un petit air de Buffy

De ce point de vue, l’amour que les dirigeants actuels de la franchise Who portent à « Buffy the Vampire Slayer » explose ici au grand jour. Il y a d’abord les signes très visibles, comme l’apparition en guest dans ce troisième épisode d’Anthony Head (Giles dans le Buffyverse) dans le rôle d’un très inquiétant directeur d’école. Mais, plus largement, « School Reunion » est révélateur de l’attention qu’ils portent à une écriture de personnages en constante évolution, et à un Univers très peuplé en figures récurrentes qui peuvent surgir inopinément à tout épisode, plus ou moins transformés depuis leur dernière intervention.
L’une des compagnes de voyage les plus célèbre de l’époque classique de « Doctor Who », Sarah-Jane Smith, fait ainsi son retour dans l’épisode, enquêtant en tant que journaliste indépendante sur la même affaire que le Docteur, Rose et Mickey Smith. L’occasion de retrouvailles émouvantes pour Sarah-Jane, abandonnée sans même un au-revoir alors que le Docteur devait se rendre sur Gallifrey. On saisit alors à quel point cette expérience a profondément transformé la vie de Sarah-Jane, et « School Reunion » est en fin de compte l’occasion d’un au-revoir trop longtemps délayé, qui permet à Sarah-Jane de reprendre sa vie en main. La présence de cette « ex » du Docteur n’est pas sans conséquences sur ses compagnons actuels. Rose est immédiatement jalouse, avant de se reconnaître totalement en Sarah-Jane, si bien que les deux femmes deviennent copines dans ce que cela peut avoir de régressif – ce qui ne manque pas de décontenancer le Docteur. Mickey, lui, se sent soudain comme l’équivalent dans la bande du robot-chien K9 de l’époque de Sarah-Jane : l’élément supplémentaire accessoire, essentiellement fonctionnel, qui participe sans vraiment participer à l’action. Il décide alors de demander d’accompagner le Docteur et Rose à bord du Tardis, ce qui n’est pas vraiment au goût de la seconde : Rose a probablement un peu trop compartimenté sa vie pour apprécier de passer trop de temps en compagnie des deux hommes de sa vie.
C’est donc un trio qui rejoint un vaisseau spatial dans un lointain futur, un vaisseau sur lequel il n’y a plus âme qui vive après de graves avaries. Le trio découvre que le Vaisseau est relié par de multiples passerelles temporelles à différentes étapes de la vie de Madame de Pompadour. Celle-ci a donc la surprise de voir surgir de nulle part le Docteur tout au long de sa vie, cherchant à comprendre ce que lui veulent les robots de maintenance à l’origine de ces portes ouvertes dans le temps.
Incroyable histoire d’amour écrite avec une infinie délicatesse et subtilité, nouveau chef d’oeuvre dû à la plume de Steven Moffat, « The Girl in the Fireplace » est sans doute le meilleur épisode de la saison. Ce qui ne rend sans doute que plus flagrant le gros passage à vide dont souffre la saison à partir de là.

Vilains classiques

« Rise of the Cybermen » et « The Age of Steel » ré-introduisent dans la série les très célèbres Cybermen. Le tout avec un twist puisque, cette fois, en plus de voyager à travers le temps et l’espace, le Tardis traverse aussi les dimensions et amène le trio dans un Univers parallèle. L’occasion d’aligner deux fois 45 minutes des clichés les plus éculés sur un univers « presque similaire mais si différent ». L’avantage du double-épisode est toutefois de permettre à la série de se débarrasser de Mickey Smith, personnage passif et devennu au fil du temps horripilant dans sa façon d’accepter sans broncher toutes les humiliations — il n’était pas aidé, il faut dire, par un acteur assez limité. Mickey rencontre son double de héros, qui l’inspire avant de mourir, et se réinvente une vie où il peut enfin compter, sur cette autre Terre.
Dans « The Idiot’s Lantern », Rose et le Docteur débarquent à Londres en 1953, au moment du couronnement d’Elizabeth 2, un événement que la menace de la semaine compte utiliser en s’attaquant au peule de Londres agglutiné devant les télévisions pour assister aux retransmissions des festivités. Un de ces épisodes en pilotage automatique dont on ne retient pas grand-chose, si ce n’est l’excellent effort sur la reconstitution d’époque.

Le double épisode suivant ramène la série au sommet de sa splendeur. « The Impossible Planet » et « The Satan Pit » proposent une histoire passionnante, à l’atmosphère fascinante. Pour l’occasion, le visuel dans son ensemble est parfaitement réussi, que ce soit les images de synthèse, les décors, l’éclairage et même — c’est plus rare et mérite donc d’être signalé — le maquillage des très étranges Oods, une race d’esclaves extraterrestres qui a tellement marqué qu’elle reviendra en saison 4 — et a sans doute un potentiel de futur vilains classiques.
Le Satan de cette intrigue introduit également une prophétie qui pèsera sur le reste de la saison : celle de la mort prochaine de Rose au combat. Plus largement, nous y reviendrons, ces deux épisodes servent comme bon nombre d’autres de caisse de résonnance aux thématiques de cette année.

Amour & Monstres

Après ce grand moment de spectaculaire, « Doctor Who » propose un épisode qui divisera la majeure partie du public entre deux camps très tranchés : ceux qui le haïssent, ceux qui l’adorent. « Love and Monsters » inaugure une formule inédite, destinée à devenir une tradition annuelle, celle de l’épisode n’impliquant qu’à la marge les deux héros principaux de la série. Celui-ci permet de tourner un épisode complet avec une deuxième équipe en même temps que d’autres de la saison, et donc de gagner le temps de tournage d’un épisode sur le planning. Elton Pope est un personnage marqué par une ‘‘apparition’’ du Docteur survenue pendant son enfance. Il rencontre d’autres personnes qui, comme lui, étudient le Docteur. A ce stade, et ce ne sera pas la dernière fois, la série se joue de sa propre continuité, et des expériences spectaculaires qu’elle fait vivre au monde, comme le vaisseau spatial planant au dessus de Londres lors du premier épisode de Noël. Le petit groupe de fanatiques du Docteur est une assemblée hétéroclite de geeks dépeinte avec l’affection et le réalisme de celui qui se considère comme l’un d’eux (Russell T Davies signe lui-même cet épisode). Ces personnages ont donc leur part de folie et, très certainement, leur part d’immaturité, mais la série noue à cette occasion un dialogue intéressant avec une part de son public, surtout dans la mesure où Russell T Davies a néanmoins beaucoup de recul sur son statut de geek, et que rien ne l’amuse tant que de pousser ceux-ci dans leurs derniers retranchements hystériques (voir notre critique de la première saison et nos commentaires sur le propos sur la sexualité tenu dans la série) : amour éthéré et monstre délirant sont donc au programme. Un monstre, il faut le signaler, qui fut créé par un enfant lors d’un concours et que Russell T Davies dû ensuite trouver le moyen d’intégrer à la série.
Je passe rapidement sur l’épisode suivant, « Fear Her », et son gribouillage tueur, qui en plus d’être peu crédible et cliché, a l’inconvénient de se dérouler dans un environnement qui rappelle beaucoup trop celui de « The Idiot’s Lantern » quelques épisodes plus tôt.

Une empreinte indélébile

Le final de la saison commence avec la mort à nouveau annoncée de Rose Tyler, cette fois par Rose elle-même, qui dit nous conter sa dernière histoire. Depuis deux mois, des fantômes apparaissent à des horaires précis à travers le monde. Jackie Tyler est persuadé que c’est son père décédé dix ans plus tôt qui lui rend visite. Rapidement, il s’avère que les fantômes en question apparaissent en raison d’une expérience de Torchwood (c’est donc l’occasion de visiter leurs locaux et d’entendre pour la première fois le thème de la future série dérivée), et que les fantômes en question n’en sont pas. Il s’agit en fait de Cybermen qui finissent par réussir à envahir ce monde depuis l’Univers parallèle vu plus tôt dans la saison. S’en suivent à la fois une grande réunion de famille, Mickey réapparaissant avec le père de Rose de la réalité alternative et leur escouade de combattants des Cybermen, et une réunion de vilains puisque les Daleks surgissent bientôt à leur tour pour s’affronter tant à l’humanité qu’aux Cybermen. Le Docteur doit sauver la Terre de cette menace, mais aussi refermer à tout jamais le pont qui relie les deux univers parallèles, et menace de les détruire tous les deux. A cause d’un dernier geste héroïque, Rose Tyler se retrouve coincé de l’autre coté, dans l’autre monde. Celui, c’est un peu tout ce qui compte pour elle, où le Docteur n’est pas. Officiellement, dans notre Univers, elle est effectivement morte. Même si elle est encore vivante « ailleurs » pour raconter son histoire comme le laissait entendre le début de cette histoire.

Certains esprits chagrins se sont sentis volés de cette mort annoncée. Pourtant, il est bien évident que les événements se sont déroulés ainsi que prévus depuis longtemps. L’intégralité de la saison tendait, un petit peu sadiquement, à renforcer l’impact émotionnel de cette déchirante séparation. Face à elle, une simple mort aurait eu la facilité d’une fin véritablement tranchée. Que peut-il y avoir de pire que de savoir que l’Autre est là, quelque part, en un endroit où il vit mais où on ne peut ne le voir, ni l’entendre, ni le toucher, ni rien savoir de lui ? On a vu à plusieurs occasions à quel point le Docteur laissait une empreinte indélébile chez ceux qui étaient amenés à croiser sa route. Une rencontre qui est autant un don qu’une malédiction. Madame de Pompadour a vécu des années dans l’espérance de voir à nouveau sa cheminée tourner et le Docteur ressurgir. Et elle est morte dans l’attente que soit tenue la promesse d’une réunion qui pourrait durer plus qu’un instant. « The Satan Pit » avait clairement mis en avant que Rose préférait la mort à une séparation. Sarah-Jane Smith dit elle-même avoir gâché vingt ans de sa vie pour avoir été abandonnée sans un au-revoir, qu’elle doit arracher quasiment de force au Docteur. Cet épisode avait servi à Rose de révélateur sur le sort des Compagons qui l’avaient procédé. Un temps, elle s’interroge quant à savoir si elle ferait mieux de le quitter. Sarah-Jane elle-même l’en avait dissuadée : elles savaient toutes les deux que le Docteur valait le coup d’avoir le coeur brisé. Mais plutôt que de préparer Rose à cette fin, cette rencontre avait eu l’effet inverse : Rose était déterminée à être celle qui resterait jusqu’à sa mort, et elle l’avait fait accepter au Docteur.
Sur le point des au-revoir, le personnage a d’ailleurs appris de son erreur, et les dix dernières minutes de la saison sont consacrées à un adieu à fendre le cœur, qui confirme que Rose ne sera plus jamais comme avant. Quand elle a croisé la route du Docteur, elle était une vendeuse de vêtements sans perspectives, et rien de viscéral ne la rattachait à sa vie. Il lui serait impossible d’en revenir là – ce que le Docteur, d’ailleurs, ne comprend pas bien. Sur sa Terre alternative, elle a intégré la version locale de Torchwood et assume la défense de la planète contre les invasions extraterrestres. Sa vie pour toujours affectée par le Docteur. Dans l’incapacité de le revoir pour la même éternité.
La relation d’amour non-dit, et non consumé, entre les deux personnages est une dernière fois exploité à l’avantage de la série et du lien quelle s’emploie à créer entre eux et nous. La première saison s’était terminée sur un étrange baiser « fonctionnel » entre le Docteur et Rose. Cette fois, une barrière sans doute plus grande est franchie : celle de l’expression des sentiments. « Je t’aime » dit Rose au Docteur. Celui-ci s’emploie alors, en s’abritant derrière quelques circonvolutions, à exprimer lui aussi ses sentiments. Mais la transmission est interrompue avant que Rose ait pu les entendre. Comme si tout l’univers s’était ligué contre ses deux là. Comme si rien ne devait interrompre la sentence d’éternelle solitude qui semble avoir été prononcée contre le Docteur. Le personnage est condamné à des relations ancrées dans l’instant. Des relations dont l’approfondissement et la concrétisation semblent l’acte le plus difficile au monde. Un écho distant et si proche d’une société de la solitude où toute nouvelle technologie offre une nouvelle plateforme pour une rencontre qui semble chaque jour qui passe un peu plus improbable.

Le Docteur est seul au milieu du Tardis, et pour une fois il n’y a probablement rien qu’il ne souhaite plus que de se retrouver en paix avec lui-même. Mais une mariée surgit soudain au milieu du vaisseau. Pourquoi ? Comment ? Il faudra attendre le prochain Christmas special pour le savoir. Le temps pour le spectateur de sécher ses larmes et de se remettre d’une seconde saison sans doute un peu inférieure à la première — parce que plus inégale — mais qui aura définitivement ancrée ce nouveau « Doctor Who » parmis les meilleures séries de son époque.

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Rédigé par Sullivan Le Postec

Publié dans #Saison 2, #Doctor Who (2005), #David Tennant, #Billie Piper, #Russell T Davies

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Publié le 4 Février 2007

DOCTOR WHO - Saison 1 (2005) : Une fiction familiale

Avec sa ré-invention de « Doctor Who », le génial Russel T Davies redonne ses lettres de noblesse à la fiction familiale en réunissant pour de vrai petits et grands devant le petit écran dans un plaisir partagé.

 

Ce texte a été originellement publié sur le site du webzine Le Village le 4 février 2007.

"You cannot hurt me. I’m immortal !"

La notion d’« oeuvre familiale » s’est depuis longtemps détachée de sa signification originale. Aujourd’hui, une fiction familiale s’entend en effet généralement comme destinée uniquement aux enfants. Elle s’avère plus ou moins idiote et plus ou moins condescendante envers les jeunes qui la regardent (souvent plus que moins). D’une manière générale, les adultes partageront son visionnage avec eux essentiellement par devoir et sens du sacrifice, partagés entre ennui et absolue affliction. Il faut sans doute reconnaître que l’art d’associer la fantaisie d’un univers pouvant attirer le jeune public à l’intelligence et la réflexion susceptible d’attirer le public adulte, sans jamais s’aliéner ni l’un, ni l’autre, est l’un des plus difficile qui soit.
On saluera dès lors d’autant plus fort l’impeccable réussite de la nouvelle version de « Doctor Who » , due au génial fanboy Russell T. Davies, produite et diffusée par la BBC depuis 2005.

En Angleterre, « Doctor Who » est une véritable institution. Il suffit sans doute, pour le démontrer, de mentionner que le premier épisode fut diffusé à l’automne 1963. Depuis, Eccleston est le neuvième acteur à endosser le rôle, après une nouvelle “régénération” du Docteur, qui lui permet de changer de visage. Mais ce nouveau Docteur arrive après 9 ans d’absence de Who des écrans. Presque 16 ans, même, puisque son retour de 1996 ne dura que le temps d’un téléfilm tourné à Vancouver, co-production entre le Network US Fox et la BBC, qui ne devint jamais une série suite à son échec à l’audimat américain.

Ce temps écoulé explique que cette nouvelle version, si elle s’inscrit bien dans la continuité globale (d’un gigantisme dément) des séries précédentes, soit aussi un véritable re-lancement qui tienne particulièrement compte de nouveaux spectateurs qui ne connaissent peut-être le Docteur que de réputation - voire pas du tout. Pas besoin de paniquer, donc, si c’est votre cas et que vous lisez ces lignes en vous demandant si vous devriez vous y mettre : cessez la lecture et foncez regarder la série.

 

Légère introduction

Le fait que « Doctor Who » soit repris sous la direction du scénariste Russel T. Davies était une formidable nouvelle sur tous les plans.

D’abord parce que nous savions que Davies était un fan du Docteur, comme le prouvaient les constantes allusions à la série dans « Queer as Folk », la série qui lui permis de se faire - ô combien brillamment - un nom (et nous parlons bien sûr ici de la version originale anglaise, pas de la très pâle copie américaine). Mais surtout parce que Davies est un maître en ce qui concerne la caractérisation et l’écriture des personnages. Exactement ce dont une série de science-fiction parodique a besoin pour s’ancrer dans une certaine réalité, ce qui permet à son téléspectateur de se préoccuper réellement des hebdomadaires invasions de monstres et de robots démoniaques. C’est cette habileté de Davies à incarner des êtres véritablement Humains - même quand ils sont extraterrestres - qui confère à ce nouveau « Doctor Who » la capacité de captiver les adultes autant que le jeune public.
Toutefois, cette réalité mettra quelques épisodes à être démontrée. Les tous premiers de la série sont en effet décevants, de ce point de vue comme de plusieurs autres, ce qui est d’autant plus flagrant que ce qui suit, les deux derniers tiers de la saison, est excellent.

« Rose », le premier épisode, s’attache pourtant avec beaucoup d’application à introduire le nouveau compagnon du Docteur. Rose, donc, jeune fille de 19 ans vendeuse dans une boutique Londonienne, dont on nous dépeint avec un savoir-faire certain la vie par trop commune, et donc potentiellement désespérante. Mais le personnage peine à marquer réellement. Ce n’est pas la faute de l’actrice. Billie Piper est plutôt épatante, charmante et pleine de charisme. Elle se révèlera à la hauteur des exigences de la série tout au long de la saison. Le responsable est bien le scénario, qui se refuse trop à prendre le risque d’être sérieux, bâclant son histoire anodine d’envahisseurs aliens en plastique. Tout est traité avec des doses souvent massives de dérision, qui finissent par ôter au résultat final toute sensation de réalité. Dans l’ensemble, on a l’impression d’être devant des personnages de dessin-animé - expression devenue commune qui révèle en elle-même combien la mauvaise fiction pour enfants a pris le pas sur la bonne - qui vont dans la direction voulue par le scénariste-marionnettiste juste “parce que”. Ainsi de la scène finale où Rose décide de rejoindre le TARDIS du Docteur et de partir à l’aventure : la réalisation et le montage cherchent désespérément à y donner de l’emphase et un certain souffle, aveu du cruel échec du scénario.
C’est d’autant plus flagrant qu’un peu plus tard dans la saison, l’excellent épisode « Father’s Day » (1x08) donnera rétro-activement une excellente et touchante raison cachée à Rose pour suivre le Docteur. En revisionnant « Rose », il apparaît clairement que cette idée vint par la suite et qu’elle n’était dans l’esprit de personne au moment où la scène finale du pilote fut écrite puis tournée.
Ce sentiment global de “non-réalité” est renforcé par des incongruités visuelles majeures : alors que le téléspectateur identifie très facilement les aliens de plastique personnifiant un personnage humain de part un maquillage grossier, Rose, le Docteur et les autres semblent tous atteints d’une myopie sévère et impromptue. Impossible, dès lors, de croire une seconde à ce qui se passe à l’écran. Une erreur que la série ne refera plus jamais, ce qui vaut la peine d’être signalé.

« The end of the world » (1x02) marque une progression énorme par rapport au premier épisode, aidé en cela notamment par un fascinant point de départ - pour son premier voyage, le Docteur emmène Rose assister à la fin de la planète Terre - un ’’événement artistique’’ auquel le Visage de Boe a convié une brochette de VIP. L’épisode contient de véritables moments dramatiques, tandis que Rose s’accommode assez difficilement de son nouveau statut de voyageuse spatio-temporelle et que les événements confrontent le Docteur à son passé. Pourtant, il échoue parfois comme le pilote, à trop forcer le ton décalé. Cassandra est une méchante initialement intéressante - la dernière humaine a poussé le lifting jusqu’à s’extraire tous les os, atteignant ainsi la parfaite platitude. Mais, comme le fait remarquer Rose, qu’a-t-elle encore d’Humain ? Et surtout de plus Humain que ces “non-purs”, qui se sont éparpillés dans les étoiles, se sont hybridés, ont évolué, ces Humains qu’elle méprise. Malheureusement, Cassandra devient vite parfaitement caricaturale, autant que ses approximatives motivations pécuniaires. Si l’on comprend que Davies souhaite privilégier les personnages principaux par rapport à l’histoire, il s’agit néanmoins de veiller à ce que ces dernières constituent un cadre qui tienne debout. Sans quoi, il n’y a plus guère de personnages, aussi bien écris soient-ils. A cet égard, les éléments dramatiques de « The end of the world » en viennent parfois à passer quasiment inaperçus, particulièrement lors du premier visionnage.
C’est le cas de la révélation sur la situation du Docteur et de la Guerre du Temps. Celle-ci est maintenant finie mais les Daleks ont emmené les Seigneurs du Temps dans leur destruction, si bien que le Docteur est désormais le dernier survivant de sa race, dont la planète a été détruite - des événements tous survenus dans l’intervalle depuis la dernière apparition de Who. Tout en témoignant de l’inscription de cette incarnation dans la continuité globale, ces informations démontrent aussi que Davies n’a pas eu peur de profiter de la longue absence de la série pour ’’réinventer’’ le contexte de cet Univers et le faire évoluer.

Un background sombre, encore plus que l’initial, qui sert de charpente à la caractérisation du Docteur d’Eccleston : plus noir que la plupart de ses prédécesseurs, la jovialité qu’il maintient apparaît parfois comme une sorte de combat contre la part d’ombre qui a grandit en lui. Il est déterminé, souvent sévère, à quelques reprises sans pitié. Il en fait la démonstration dans ce second épisode avec la mise à mort de Cassandra, certes coupables de plusieurs meurtres. Mais est-ce vraiment cela qu’il lui reproche, ou plutôt d’avoir outrepassé son temps, quand d’autres, les siens, ont du périr avant l’heure ? Cette première saison est pour le Docteur une quête pour regagner tout à fait une Humanité en partie perdue, achevée quand il refuse de détruire la Terre pour anéantir les Daleks dans l’ultime épisode. Sa régénération en un nouveau Docteur fait alors complètement sens.

Après le lointain futur, « The unquiet dead » (1x03) nous ramène dans le passé pour un épisode en costumes faisant intervenir Dickens himself. Le personnage est d’ailleurs réussi mais n’empêche pas ce segment de se révéler un peu anodin et finalement peu mémorable.
« Aliens of London » et « World War Three » (1x04/05) constituent un épisode en deux parties qui effectue la transition entre la partie introductive de la saison et son coeur narratif. En effet, il contient quelques-uns des éléments d’humour les plus absurdes de la série (j’ai nommé les Slitheen, in-croy-a-ble famille d’aliens péteurs en caoutchouc) - il me semble que c’est la dernière fois qu’on verra la série s’amuser à ses propres dépends. Mais aussi l’amorce d’un véritable discours de fond qui applique la parodie et la critique acerbe tant à l’univers du Docteur qu’à celui du téléspectateur.
Ayant pris la place des dirigeants anglais, les Slitheen en viennent en effet à essayer de provoquer la destruction de la civilisation humaine par une troisième guerre mondiale. Pour cela, il faut convaincre l’ONU. Et pour ce faire, quoi de mieux que de fabriquer un ennemi et d’invoquer sa possession d’armes de destruction massives ? “Ca a bien marché la dernière fois,” commente Rose... Cette histoire est aussi l’occasion d’introduire le personnage de Harriet Jones, future Première Ministre trois fois ré-élue.
La première partie traite également très largement de l’environnement familial de Rose. En effet, suite à une légère erreur de manipulation, le retour de Rose ne s’est pas fait une douzaine d’heures après son départ, mais plutôt après douze... mois. Une situation sur laquelle Davies s’attarde largement quitte à être accusé de dériver vers le soap opera. Ce dont il s’amuse, d’ailleurs, faisant dire au Docteur à Rose, quand sa mère et Mickey, son (ex ?) petit ami, s’invitent dans le TARDIS : ’’Don’t you dare make this place domestic’’. Davies sait bien que c’est un traitement réaliste de ce type de situations humaines qui permet à son Who de se détacher du kitsch qui caractérise souvent les précédentes incarnations.
Autre élément de premier plan de cette histoire, la question de la sécurité de Rose, qui, à ce stade, a sous-tendu tous les épisodes depuis le premier, et qui continuera d’être le sujet de plusieurs autres cette saison. Elle est cruciale pour le Docteur : le Seigneur du Temps trompe sa désormais éternelle solitude en choisissant un ’’Compagnon’’. Mais de quel droit le soumet-il aux dangers permanents que lui, il affronte d’une part délibérément et, d’autre part, relativement protégé par son statut de Seigneur du Temps qui lui confère une plus grande résistance et l’accès à une technologie avancée ? Cette question est bien évidemment tout aussi cruciale pour l’entourage de Rose, et particulièrement pour sa mère qui accepte difficilement que le Docteur soumette sa fille à une vie de dangers. Deux fois dans le cours de l’épisode, elle lui demande de promettre que sa fille sera en sécurité. Deux fois, cette demande reste sans réponse. Pourtant, il se sentira indubitablement engagé en ce sens. Lui-même, quand il croira avoir laissé mourir Rose dans l’épisode suivant, laissera d’ailleurs glisser qu’il avait ’’juré’’ de la protéger.

DOCTOR WHO - Saison 1 (2005) : Une fiction familiale
Les drames Humains

Ce basculement certain vers un univers sérieux, où les actions ont des conséquences et où les gens meurent vraiment, même si l’humour et le décalage parodique restent une présence constante, amène tout droit vers « Dalek » (1x06) le premier épisode parfait de la saison. Une très étrange réunion avec un ancien ennemi du Docteur. Le plus dangereux, le plus viscéralement détesté, aussi. Ces 45 minutes sont construites autour d’un scénario passionnant, incroyablement provoquant, intellectuellement fascinant.

Le TARDIS atterrit à l’étage -53 d’un bunker de l’Utah en 2012. La propriété d’un milliardaire mégalo, Henry Van Statten, dont le hobby est de collecter des artefacts extraterrestres. Au fil des années et des achats de pièces et de collections, il s’est constitué un impressionnant musée personnel. C’est un signal émit depuis ce sous-terrain qui a attiré ici le Docteur. Un signal émit par la pièce maîtresse de cette collection : un extraterrestre encore en vie que Van Statten torture pour obtenir de lui, en vain, qu’il lui parle. Un Dalek, tombé sur Terre une cinquantaine d’années plus tôt, depuis une faille spatio-temporelle qui l’a sauvée, a fait de lui le dernier de sa race, survivant d’une méga-destruction qui amena celle des Seigneurs du Temps. L’arrivée du Docteur, ennemi mortel des Daleks, remet au plus haut la volonté de celui-ci d’ ’’exterminer’’. Les Daleks sont en effet des créatures créées par le génie génétique, entièrement dénuées d’émotion si ce n’est la haine. Une armée d’exterminateurs de tout ce qui est ’’différent’’.

Mais confronté au Docteur, à l’autre dernier survivant de la Guerre du temps, les frontières se brouillent, et l’on ne sait plus très bien lequel des deux est l’exterminateur sans pitié. Un moment, le Docteur est prêt à tout sacrifier, même Rose, pour tuer le Dalek. En parallèle, le toucher de Rose, qui a permis la régénération du Dalek, a aussi entraîné un transfert d’ADN. Il mute, et les émotions le gagnent. Alors qu’il s’apprête à tuer Rose, il s’interrompt. ’’I feel your fear / Je ressens ta peur,’’ lui dit-il. Le double-sens est fascinant. Rose appuie cette évolution, insiste, questionne le Dalek. En lieu et place de tuer, il y a d’autres choses qu’il peut vouloir. ’’Être libre,’’ répond-t-il.
Plus tard, Rose commente la douceur du soleil sur sa peau. Dans sa quête nouvelle, (res)sentir (l’Anglais feel désigne autant sentir que ressentir, abolissant la frontière entre l’abstrait et le concret), le Dalek ouvre alors son réceptacle en forme de salière pour laisser les rayons du soleil atteindre sa propre peau. Cette mise en danger qu’il s’impose à lui même, alors qu’il était sur le point de gagner l’extérieur et de s’évader, fait monter en lui le dégoût de ces émotions qui sont maintenant siennes, le changeant en l’abomination qu’il a été créé pour exterminer. L’implacable et froide logique reprend le dessus : il supplie (à la façon Dalek) la seule personne dont il peut, maintenant que sa race est détruite, entendre un ordre, sa ’’re-créatrice’’ Rose, de lui ordonner de se tuer.

Le seul ’’regret’’ laissé par cet épisode est peut-être celui-là : on aurait peut-être aimé que ce Dalek mutant survive et continue d’évoluer, même si cette histoire aurait sans doute été réminiscente d’autres (notamment Hugh le Borg de « Star Trek The Next Generation »).

Avec tout ça, on aurait presque oublié que Rose avait passé quelques scènes de « Dalek » à flirter avec Adam, un jeune et joli génie employé de Van Statten. On s’en rappelle dans l’épisode suivant « The long game » (1x07), puisqu’il est le premier ’’compagnon’’ temporaire de la nouvelle série à embarquer dans le TARDIS et suivre le Docteur et Rose dans leurs aventures - ce qui n’est pas vraiment au goût du Docteur.
En l’occurrence l’an 200 000 et la station ’Satellite 5’, en orbite autour de la Terre à son plus haut point de civilisation. Il s’avère que la dite station est le point central du traitement et de la diffusion de l’information retransmise sur Terre. Les informations venues de tout l’espace sont retraitées par des humains technologiquement améliorés, classées, sélectionnées, et retransmises sous la forme de journaux. Or, il s’avère qu’une étape s’est ajoutée : les informations sont aussi manipulées. Ce qu’un groupe de militant à remarqué.
Une jeune femme employée dans la station sous couverture enquête pour leur compte, mais est à son tour remarquée par le rédacteur en chef adjoint. Elle est ’’promue’’, et prend l’ascenseur vers l’étage 500 de la station, celui qui est censé correspondre au plus haut niveau de direction mais dont, bizarrement, on ne redescend jamais. L’étage abrite en fait le rédacteur en chef, c’est à dire l’extraterrestre qui, depuis près d’une centaine d’années avec l’ouverture de Satellite 5, est en charge de l’humanité, la contrôlant en contrôlant son information : un mot bien placé, une information bien répétée, et l’on déstabilise une économie, invente un ennemi, change un vote... Le rédacteur en chef adjoint, un humain, représente un consortium de banquiers qui ont préféré un investissement à long-terme.
Une nouvelle traduction d’un motif récurrent puisque le simple profit était déjà la motivation de Cassandra et des Slitheen. D’autant que parallèlement, Adam a accepté une opération lui implantant le système de traitement des informations dans le cerveau dans le même objectif, puisqu’il a transmit ces informations sur le répondeur de son présent dans le but de les faire ensuite fructifier. Un motif récurrent, mais pourtant jamais traité autrement que superficiellement, ce qui laisse une bizarre impression de ’’l’excuse facile qui permet de pas avoir à ’’gâcher’’ de temps sur les motivations des méchants’’.
Après avoir tué l’extraterrestre et mis fin au contrôle de l’information par Satellite 5, le Docteur ramène Adam à son époque et l’y abandonne après avoir détruit les informations qu’il avait transmises. Il devra y rester très discret, pour que le clapet de communication greffé sur son front, qui s’ouvre d’un claquement de doigts, ne soit jamais découvert - une situation qui donne lieu à un excellent gag final.

L’épatant « Father’s Day » (1x08) voit Rose demander au Docteur de l’amener dans le passé, à la rencontre de son père, mort quand elle était bébé. Un père mort seul sur la route, abandonné là par le chauffard qui l’a renversé. Elle demande au Docteur de la ramener à cette date, pour qu’il ne meure pas seul. Mais, le moment venu, elle le sauve finalement, à la grande colère du Docteur, provoquant toute une série de conséquences dramatiques au cours desquelles Paul Cornell, le scénariste, n’oublie jamais l’aspect humain de son histoire, qu’il traite avec une infinie délicatesse et un grand sens de la psychologie. Au final, Rose, à sa grande douleur, n’obtiendra rien d’autre que très exactement ce qu’elle avait souhaité - ce contre quoi le Docteur l’avait précisément mis en garde.
L’ensemble est d’autant plus réussi que, comme à peu près tout dans « Doctor Who », ces événements ne sont pas oubliés et sont susceptibles d’être mentionnés ou d’avoir des conséquences par la suite. Ce sera le cas ici lorsque Rose révélera finalement à sa mère l’identité de la jeune inconnue qui avait accompagné Pete Tyler jusqu’à la mort - elle-même.

 

Délicieux outrages

Son don pour l’écriture des personnages n’était pas exactement la seule chose que Russell T Davies amenait avec lui. Et le reste était plus controversé. Car, comme toutes les oeuvres de science-fiction avec quelques années au compteur - et « Doctor Who » en a beaucoup - la série s’est constituée un réseau de fans dévoués. Et, comme toujours, toute une frange d’entre eux s’est changée en gardiens du temple hystériquement rétifs à toute évolution.

D’abord, il y a la fascination personnelle de Davies pour la pop-culture, son sens, sa définition, et ses limites, qui transparaît dans la plupart des épisodes, souvent avec un désarmant sens du comique.
L’une des séquences les plus drôle de la saison voit d’ailleurs, dans « The end of the world » (1x02), la ’’dernière humaine’’ amener aux invités une antiquité : un énorme juke-box. ’’D’après les archives,’’ explique Cassandra, ’’ceci était appelé un iPod’’. Lequel se met immédiatement à brailler « Tainted Love », avant de célébrer la destruction de la Terre par ’’un ballet classique’’ — « Toxic » de Britney Spears !
Le plus intéressant, bien sûr, est que la blague en dit beaucoup sur la manière dont Davies pense que la culture survit au temps, et la place qu’il pense que la pop-culture prendra dans celle-ci - c’est à dire la même que la ’’bonne’’ culture, vraisemblablement dans un foutoir intégral qui sera loin de préserver la qualité en premier lieu.
Dans le même registre, la première partie du double-épisode qui conclut la saison se voit séparée entre trois émissions de télé-réalité du futur, dont les héros de la série sont les participants involontaires.

Au rayon des réclamations de fans grincheux, on notera une fixette débordante de mauvaise foi sur le format de la série. En effet, dans toutes les versions précédentes, chaque histoire était composée de 4 épisodes de 25 minutes. Dès lors, on reprochera systématiquement aux histoires sur un épisode de 45 minutes d’avoir un rythme précipité... Et puis, il y a le reproche d’un ancrage terrien, certes manifeste, de la série. Il y a en effet très peu d’épisodes qui ne se passent pas sur Terre ou à son immédiate proximité, l’époque étant la variation la plus constante.

Mais cela n’est pas le plus grave des ’’outrages’’ commis par la nouvelle série, pour le plus grand bonheur des moins grincheux. Non, il y a aussi... le sexe !

Russell T. Davies, gay assumé, a connu son big break avec « Queer as Folk », série sexuée s’il en est. Et il est difficile de déranger plus facilement les geek extrêmistes, sous-sous-groupe appartenant classiquement à tout fandom de série de SF, qu’en y mettant en scène une sexualité libérée dont la présence soit constante, même si elle se limite essentiellement aux mots et aux allusions à double-sens qui passeront loin, très loin, au-dessus de la tête des enfants (’’dinner and bondage? Works for me!’’).
Réflexion authentique lue sur un site de fans : “l’apport constant de la sexualité est l’une des décisions les plus immature de cette nouvelle série. Et puis franchement, tout le monde s’en fiche : où sont les monstres ?”

Cette présence constante de la sexualité passe notamment par la relation entre le Docteur et Rose, dont à peu près tout le monde (parents, petit-ami, policiers, compagnons temporaires...) croit qu’ils sont en couple - à commencer par Jackie Tyler, la mère de Rose. Qui, au passage, s’inquiète quand même un peu de la différence d’âge. A chaque fois, le Docteur et/ou Rose s’en défendent avec une vigueur qui se teinte, au fil du temps, d’une certaine lassitude. Il faut dire que leur comportement l’un vis à vis de l’autre appelle cette impression : l’apparition d’un troisième au milieu du duo provoque systématiquement diverses réactions d’irritation et de jalousie de celui du même sexe. La jalousie semblant être une caractéristique de Rose puisqu’elle tape aussi une crise à Mickey quand il a l’audace d’en fréquenter une autre alors qu’elle l’a quand même laissé tomber comme une très vieille chaussette un an et demi de sa vie plus tôt, acte qu’elle a constamment répété depuis.

Cerise sur ce gâteau, l’introduction dans le neuvième épisode du Capitaine Jack Harkness, voyageur du temps en freelance, à la recherche d’argent facile, qui peut regarder avec la même délectation le fessier d’une fille ou d’un garçon et qui ne se gênera pas pour draguer l’un ou l’autre dans la minute qui suit. Voire les deux en même temps. Un personnage délicieux incarné à merveille par John Barrowman, à mille lieux de la version de lui-même ’’tellement terne qu’il en est presque invisible’’ vue il y a quelques années dans le soap US raté « Central Park West ». Comme quoi, s’il n’est pas sûr que le bon rôle fasse le bon acteur, il est bien certain que le mauvais plombe n’importe qui.
Le premier fait d’arme de Jack est de sauver Rose d’une mort certaine au milieu des bombardements de Londres par les Allemands pendant la Seconde Guerre Mondiale. Le second de monnayer sa connaissance de l’emplacement du Vaisseau-ambulance extraterrestre crashé au milieu de Londres, et qui est à l’origine d’une contamination d’un genre très particulier : ses nano-robots tentent de ’’réparer’’ tous les humains dans lesquels ils peuvent se frayer en chemin, en se basant sur le premier qu’ils aient rencontré. C’est à dire un petit garçon tué par le crash dont ils reproduisent donc les fatales blessures, faisant de chacun une sorte de zombie qui se demande qui est sa maman, puisqu’un secret de famille a tenté de cacher au garçon que sa mère était en fait celle qui se fait passer officiellement pour sa soeur.
Ce double-épisode, « The empty child » et « Doctor dances » est un véritable festin visuel et installe à merveille une ambiance réellement chargée d’angoisse, ce que la série ne fait pas si souvent.

Sur le point de sa mise en images, la qualité globale de la série est assez bonne, loin du kitsch intégral passé. Cela dit, elle n’est pas avare non plus en effets ratés, aussi bien physiques que numériques, mais ceux-ci, à l’instar finalement des images informatiques de « Babylon 5 », finissent par faire partie intégrante de son univers visuel. Cela dit, sur un certain nombre d’épisodes, il y a une très large marge de progression dans la réalisation ou les décors, même si on a l’impression que les choses s’améliorent constamment au fil des épisodes. C’est notamment régulièrement le cas du montage - plusieurs épisodes de la saison contiennent des faux raccords de débutant assez incongrus.

« Boom Town » (1x11) est un ’’petit’’ épisode qui fonctionne parfaitement. De passage à Cardiff, pour y recharger le TARDIS en utilisant le rayonnement énergétique dégagé par la brèche spatio-temporelle refermée qui se trouve sous la ville, le Docteur, Rose, Jack et Mickey, venu apporter son passeport à Rose, retrouvent une vieille connaissance en la personne de la seule survivante des Slitheen des épisodes 4 et 5.
Devenue Maire de Cardiff, elle s’apprêtait à construire une centrale nucléaire sur la faille, dont l’explosion certaine allait dégager l’énergie lui permettant de quitter la Terre, en l’absence de Vaisseau Spatial. Nos personnages l’arrêtent et le Docteur décide d’utiliser le TARDIS pour la ramener sur sa planète-mère. Mais elle leur révèle alors qu’elle y a été condamnée à mort, et joue un numéro sur le registre ’’vous êtes les bourreaux qui me conduisez à l’échafaud’’.
Sa dernière volonté est un dîner en tête à tête avec le Docteur pendant lequel tous les moyens seront bons pour tenter de s’échapper.

Ce segment introduit aussi le final de la saison en cela que les personnages expriment pour la première fois de l’étonnement face au fait que l’expression ’’Bad wolf’’ (grand méchant loup) semble les suivre partout à travers l’espace et le temps (on l’a vue ou entendue dans presque tous les épisodes), et que l’on y découvre que le TARDIS a une âme aux pouvoirs étonnants si l’on vient à la regarder de trop près.

Le double-épisode final de la saison commence d’une manière des plus inattendue puisque le Docteur s’y retrouve téléporté au milieu de la énième saison de « Big Brother » (adapté ici sous le nom de « Loft Story »). De son coté, Rose se réveille sur le plateau du « Maillon Faible » présenté par un Anne-Droïd (Anne Robinson étant la Laurence Boccolini originale), tandis que Jack est l’objet de tous les soins d’une émission de relooking. Tout cela serait peut-être amusant si, au fil des saisons des émissions, les enjeux n’avaient pas été extrêmement gonflés : c’est maintenant gagner ou mourir. Quand à Jack, après deux-trois changements de tenue, les droïdes relookeurs se proposent vite de passer à la chirurgie lourde, comme lui greffer les jambes sur d’autres parties du corps.

Quand le Docteur s’échappe de l’oeil des caméra, il découvre que nous sommes dans une séquelle de « The long game » (1x07), puisqu’il est à nouveau à bord de Satellite 5. Exactement 100 ans plus tard, la station spatiale a été rebaptisée The Game Station, gérée par la Bad Wolf Corporation, et émet maintenant des dizaines de jeux du même acabit. En d’autres termes, le contrôle du peuple par l’information déformée a été remplacé par le contrôle du peuple par le ’’divertissement’’.
Et le Docteur de découvrir qu’il est à l’origine de tout cela et de la planète Terre dévastée que les baies laissent désormais voir : tout à commencé 100 ans plus tôt quand toutes les chaînes d’informations ont arrêté d’émettre du jour au lendemain.
Rejoint par Jack qui a aussi pu s’échapper de son jeu sans dommage, protégé par l’humaine-ordinateur qui gère la station spatiale et empêche le déclenchement des processus de sécurité, confirmant que tout ceci ne se déroule pas par hasard, le Docteur doit maintenant s’assurer qu’ils parviennent à retrouver Rose avant qu’elle ne soit désignée Maillon Faible et désintégrée. Ce à quoi il échoue. Rose disparaît sous ses yeux.

Tandis qu’il se confirme que des forces extraterrestres qui connaissent et craignent le Docteur ont contrôlé l’Humanité depuis des centaines d’années, passant de l’info au divertissement, Jack retrouve le TARDIS qui lui apprend que les rayons désintégrateurs n’en sont pas vraiment. En réalité, ils téléportent les victimes ailleurs. De fait, Rose se réveille sur le sol d’un Vaisseau, entourée de Daleks. Un Vaisseau au milieu de centaines d’autres. Les Daleks ont survécu... C’est d’ailleurs là le seul des cliffhangers réussi de la saison, parce que le seul à ne pas être résolu en - littéralement - 20 secondes par une solution miracle toute droit sortie d’un chapeau de magicien (quoique, le champ de force méga-protecteur...).

« The parting of the ways » (1x13) amène donc à une confrontation d’ampleur entre les Daleks et le Docteur. Le Docteur vient sauver Rose, et rencontre l’Empereur des Daleks (devenu ’’Dieu’’ auto-proclamé, au passage) qui lui révèle que son Vaisseau a survécu à la Guerre du Temps, endommagé mais pas détruit. Depuis, en secret, ils se sont lentement régénérés, en utilisant des corps humains pour fabriquer de nouveaux Daleks. Rose leur fait remarquer que les Daleks sont désormais à moitié humains, mais une telle affirmation est ’’blasphème’’.
Ce que vous appelez le blasphème, c’est souvent ce qui vous trouble secrètement, pour que vous ne vouliez surtout plus entendre. Les nouveaux Daleks détestent leur origine et leur propre existence, et le Docteur sait que cela ne les rend que plus dangereux. Le TARDIS rejoint Satellite 5 où s’amorce un combat désespéré contre la flotte Dalek. Tellement désespéré que la seule chance de détruire les envahisseurs est un rayon, qu’il semble presque impossible de construire dans les temps, et qui détruira tous les êtres vivants à sa portée, ce qui inclus tous les êtres humains sur la Terre, autour de laquelle orbite la station. Tellement désespérée que le Docteur décide de renvoyer Rose à son époque à bord du TARDIS, contre sa volonté.

C’est là qu’elle comprend que Bad Wolf n’était pas une menace, mais un message. Un lien du présent vers le futur. La preuve qu’elle peut agir. Elle décide alors d’entrer en communication avec l’âme du TARDIS, et s’emploie pour cela à l’ouvrir avec l’aide de Mickey. Elle y parvient finalement grâce à l’aide de sa mère, convaincue de la puissance de l’expérience spatio-temporelle de Rose quand elle lui révèle qu’elle a rencontré son père et que c’est dans ses bras à elle qu’il est mort.
Rose regarde l’âme du TARDIS, et l’âme du TARDIS regarde en elle. Lui conférant des capacités exceptionnelles. Time!Rose retourne alors à bord de Satellite 5, armée du pouvoir de séparer les atomes, de contrôler la vie et la mort.
Time!Rose, c’est le grand méchant loup. Elle a dispersé ces mots dans le temps et l’espace pour se guider elle-même jusqu’ici. Elle détruit tous les Daleks et ramène à la vie quelques morts au combat, dont Captain Jack. Mais le pouvoir est sur le point de la consumer. Dans un baiser orgasmique qui conclut une saison de tension sexuelle de la plus curieuse façon qui soit, le Docteur absorbe le pouvoir et le renvoie au TARDIS. Rose s’évanouit et ils quittent les lieux, abandonnant Jack puisque le Docteur ignore qu’il a ’’survécu’’. A bord, tandis que Rose se réveille sans souvenir des actions de Time!Rose, le Docteur réalise que le pouvoir qu’il a absorbé va le détruire. Il entame une régénération. Et, bientôt, le Docteur prend les traits de David Tennant...

Une conclusion parfaite à une saison bien plus construite et maîtrisée qu’on ne l’aurait initialement pensé. Car le « Doctor Who » de Russel T. Davies a un sens, en plus du style et du ton...

 

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Crédits :

Production et diffusion : BBC (Royaume-Uni)
Producteur exécutif et direction d’écriture : Russell T. Davies
Avec : Christopher Eccleston (le Docteur), Billie Piper (Rose)
Scénarios :
Russell T Davies (épisodes 1 « Rose », 2 « The end of the world », 4 « Aliens of London [1/2], 5 « World War Three [2/2], 7 « The long game », 11 « Boom Town », 12 « Bad wolf [1/2] », 13 « The parting of the ways [2/2] ») ;
Mark Gratiss (épisode 3 « The unquiet dead ») ;
Robert Shearman (épisode 6 « Dalek ») ;
Paul Cornell (épisode 8 « Father’s Day ») ;
Steven Moffat (épisode 9 « The empty child [1/2] », 10 « The Doctor dances [2/2] »).
Réalisation :
Keith Boak (épisodes 1 « Rose », 4 « Aliens of London [1/2], 5 « World War Three [2/2], ) ;
Euros Lyn (épisodes 2 « The end of the world », 3 « The unquiet dead) ;
Joe Ahearne (épisode 6 « Dalek », 8 « Father’s Day » ; 11 « Boom Town » ; 12 « Bad Wolf [1/2] », 13 « The parting of the ways [2/2] ») ;
Brian Grant (épisode 7 « The Long game ») ;
James Hawes (épisode 9 « The empty child [1/2] », 10 « The Doctor dances [2/2] »).

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Rédigé par Sullivan Le Postec

Publié dans #Doctor Who (2005), #Saison 1, #Christopher Eccleston, #Billie Piper, #Russell T Davies

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